Suisses, entre haine et tolérance

Publié le par Takana

GENÈVE Etrangers, handicapés, homosexuels ou mendiants: le Suisse a peur de tout ce qu'il ne connaît pas. Un Helvète sur dix serait d'ailleurs xénophobe
Que pensent les Suisses des étrangers? Des homosexuels? Des handicapés ou des mendiants? Afin de répondre à ces questions, le département de sociologie de l'Université de Genève a mené une vaste enquête. Publiées hier, ses conclusions dressent le portrait peu glorieux d'Helvètes passablement xénophobes et crispés sur ce qui ne leur ressemble pas. Les Suisses détesteraient-ils le genre humain? La question n'est pas totalement absurde...

MICHEL JEANNERET ET SEMAJA FULPIUS / Le Matin


Car certains chiffres donnent des frissons. Ainsi, 59% des personnes interrogées estiment que la barque est pleine, en ce qui concerne le nombre d'étrangers résidant sur le territoire suisse. 24% se déclarent ouvertement antisémites, 36% sont d'avis que les musulmans ne devraient être tolérés en Suisse que s'ils abandonnent leurs propres règles religieuses, 32% se sentent gênés lorsque deux homosexuels s'embrassent en public et une personne sur trois se dit mal à l'aise face à un handicapé.

Xénophobes, les Suisses? Au minimum 9% d'entre eux, répondent les auteurs de l'étude. Ils font référence à une frange de la population classée sous l'étiquette «traditionalistes désorientés».

Mais il y a tout de même quelques bonnes nouvelles. Si les Suisses estiment que les étrangers sont responsables de la hausse du chômage (41%), ils pensent également que les étrangers font le travail dont ils ne veulent pas (82%) et que les différences de nationalités, de cultures et de religions sont une richesse pour le pays (69%). On relève encore que 77% des personnes sondées plaident pour une meilleure intégration des étrangers.

Paradoxe? «Immaturité du débat autour des étrangers», répondent les auteurs de l'étude. Le volumineux document résume la situation en une formule: «L'idée qui s'exprime c'est: «Nous n'aimons pas les étrangers (ou nous avons peur d'eux), mais nous en avons besoin.» Bref, les Suisses se révèlent totalement désorientés face à ce qu'ils ne connaissent pas.

Préoccupant? Non, répondent les sociologues. Selon eux, au final, c'est la tolérance qui prédomine. «Cette attitude tolérante est le ciment de la grande stabilité de notre pays», analyse Sandro Cattacin. Ce faisant, tant que la Suisse conservera ses valeurs, le directeur du Département de sociologie ne croit pas à l'éventualité d'une crise.

Un dernier détail piquant? Contrairement aux idées reçues, les femmes (66%) sont plus sceptiques que les hommes (59%) sur notre capacité à vivre en harmonie avec les étrangers d'autres cultures.
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Les étrangers
59% de la population estime que la proportion d'étrangers ne peut plus augmenter sans créer de problèmes pour la société.
43% pense que la forte proportion d'étrangers dans les écoles est un obstacle à la bonne éducation des jeunes Suisses.
29% est d'avis que les étrangers sont responsables de l'insécurité dans les rues.

Les mendiants

36% de la population rejette de manière générale les mendiants.
27% estime qu'ils doivent tout simplement évacuer la place publique.

Jeunes et vieux

42% des Suisses partent du principe que les jeunes au-dessous de 20 ans n'ont pas d'intérêt pour la communauté.
21% pensent que les gens de plus de 65 ans sont un problème pour la société.

Les femmes

42% des personnes interrogées estiment que les femmes devraient se concentrer sur leur rôle de mères et de ménagères.

Etrangers: «Les Suisses méconnaissent la situation»
«Les Suisses ne sont pas xénophobes, mais ils méconnaissent la situation sur l'immigration, analyse le conseiller national Ueli Leuenberger (Verts/GE). Ils pensent qu'il y a trop d'étrangers, mais ils ne connaissent pas leur nombre. La seule solution contre ces préjugés, c'est d'informer.»

Jeunes: «Une génération sacrifiée»
«Pourquoi les jeunes s'intéresseraient-ils à une communauté qui ne se préoccupe pas d'eux? s'interroge Jean-Robert Probst, rédacteur en chef de Générations. Il faut que les responsables économiques et politiques prennent conscience du problème: ces jeunes ont besoin d'un travail, d'une activité. Par contre, les a priori sur les personnes âgées sont incompréhensibles. Comment pourraient-elles constituer un problème, alors que leurs dépenses s'élèvent à 4 milliards de francs par année et qu'elles constituent une force de travail non négligeable au sein des familles?»

Mendiants: «Une attitude fascisante»
«Faire évacuer les mendiants de la place publique me semble fascisant, s'exclame la socialiste genevoise Sandrine Salerno. A qui le tour ensuite? Si on commence comme ça, on va exclure tout le monde. Politiquement, il y a une vraie question à se poser sur l'aide à apporter à ces personnes. Faire la manche, n'est pas un choix.»

Femmes:
«Le mot «féministe» est devenu une injure»
«Que l'on veuille renvoyer les femmes à leur rôle de mère ne m'étonne qu'à moitié, lâche la conseillère nationale Maria Roth-Bernasconi (PS/GE). On a stoppé trop vite les programmes de sensibilisation sur les questions d'égalité. La conséquence, c'est un véritable retour en arrière. Le mot «féministe» est même devenu une injure.»

Publié dans Suisse

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