Rapport britannique sur la propriété intellectuelle

Publié le par Takana

Jean-Baptiste Soufron
samedi 9 décembre 2006
C’est le 6 décembre qu’a été rendu public le rapport Gowers sur la propriété intellectuelle, rédigé à la demande de l’échiquier britannique. Il s’intéresse à l’état de la législation sur la propriété intellectuelle à l’ère du numérique. Il traite à la fois des questions de droit pénal, de concurrence et de la défense des libertés individuelles.

Les économies modernes ne sont plus tant baties sur la rémunération du capital que sur celle des idées. Dans un article consacré à ce rapport, The Economist rappele que presque la moitié du PIB américain se fonde sur l’exploitation de la propriété intellectuelle. Le gouvernement japonais déclare désormais que son développement doit devenir une priorité nationale.

Et le débat ne fait que s’étendre puisque même l’ONU pointe désormais du doigt l’importance de la propriété intellectuelle sur les problématiques de santé et de développement. Tout s’accordent désormais à dire qu’il est nécessaire de trouver un moyen de respecter les brevets et les droits d’auteur, sans pour autant gêner l’innovation, ni atteindre l’intérêt général.

Mais le gouvernement français vient justement de passer l’été à voter la DADVSI, une loi supposée servir de modèle au reste du monde. Malheureusement, le travail de Renaud Donnedieu de Vabres a surtout été décrié comme un texte passéiste et répressif, sans réelle vision des possibilités ouvertes par le numériques. Il faut avouer que le tout avait été mené sans réel travail de préparation et que la gestion de la procédure législative s’était étalée sur plusieurs mois dans le plus grand des désordres, les députés de la majorité UMP allant même à plusieurs reprises jusqu’à voter contre le texte de leur gouvernement.

Les britanniques en revanche ont choisi de confier la mission de comprendre les enjeux à Andrew Gowers, ancien membre de la rédaction du Financial Times. Son étude s’est étalée sur plus d’un an et son objectif était de mettre en place une grille de lecture rationnelle des évolutions en cours. À la fois pour pouvoir réformer correctement la propriété intellectuelle, mais surtout pour être certain de ne pas laisser la transformation rapide des pratiques et des usages la discréditer définitivement.

Or contrairement au texte français, le rapport Gowers rappele que la propriété intellectuelle est d’abord une balance. Que ce n’est pas un dogme, mais un mécanisme juridique chargé de créer un rapport équitable entre les intérêts des créateurs et ceux du public.

L’idée même de balance est susceptible de gêner les industriels du divertissement. Par exemple, EMI est aujourd’hui en campagne pour augmenter la durée de protection des droits voisins de 50 ans à 95 ans. Or voilà exactement le genre de réforme que le rapport Gowers rejette expressement, allant même jusqu’à proposer le principe que les modifications de la durée du droit d’auteur ne puisse jamais être rétroactive.

Autre exemple, la DADVSI crée une nouvelle forme de protection pour les mesures anti-copie, les DRMs. Le rapport Gowers prône le choix inverse en préconisant d’élargir les possibilités de copies non-commerciales.

Mais le rapport Gowers va au-delà du droit d’auteur. Il conseille par exemple de réformer le système de brevets pour faciliter la procédure contentieuse dont le coût est aujourd’hui dissuassif. Une procédure de mise en oeuvre d’un brevet coûte en effet aujourd’hui une moyenne de 1,5 millions d’euro au Royaume-Uni.

Le débat français ne va pas manquer de reprendre. Tous s’accordent à dire que loi DADVSI est sans avenir. En se concentrant sur les demandes à court terme des lobbyistes du divertissement, elle a essayé d’alourdir les sanctions contre le P2P, mais elle a complètement manqué l’émergence de Youtube. En voulant garantir les modèles économiques classiques de l’industrie du divertissement, elle a garanti les mesures anti-copies, en oubliant complètement l’apparition de l’industrie de la co-création.

Le rapport Gowers est disponible en anglais ici : rapport gowers

Et voici un rapide florilège de ses recommandations les plus importantes :
 renforcer les exceptions au droit d’auteur dans le domaine de l’éducation et de la recherche
 limiter la protection des droits voisins à 50 ans au niveau européen
 empêcher la modification rétroactive de la durée des droits
 autoriser la copie privée
 autoriser la copie à fins de recherche
 autoriser la copie à fins d’archivage
 étendre les exceptions de copie privée à l’adaptation et la transformation des oeuvres
 créer un régime des oeuvres orphelines pour permettre leur utilisation

Publié dans Société

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