L'étrange voyage de Kim Jong-il en Chine

Publié le par Takana

Asie L'agence de presse officielle nord-coréenne a confirmé hier que Kim Jong-il, le dernier dictateur stalinien de la planète, avait bien effectué une visite en Chine. Pour le reste, le mystère demeure.
Julie Desné
[19 janvier 2006]

LES DIRIGEANTS aiment s'entourer d'un halo de mystère. Kim Jong-il, leader de la dernière dictature stalinienne de la planète, pousse souvent l'exercice à l'excès. Dernier en date : un déplacement d'une semaine qu'il vient d'effectuer en Chine, évoqué par les médias étrangers mais jamais confirmé, ni côté nord-coréen ni côté chinois.

Après une semaine de mutisme, l'agence de presse officielle nord-coréenne KCNA s'est décidée hier à briser le silence, en évoquant officiellement la visite du dirigeant en Chine, qui vient de rentrer dans sa capitale.


Le jeu de piste a commencé à Shanghaï le 11 janvier. La rumeur, en partie alimentée par l'agence sud-coréenne Yonhap, affirme que Kim Jong-il, après être arrivé à Pékin par un train spécial – le maître de Pyongyang n'aime pas l'avion –, a passé la première journée de sa visite non annoncée en Chine à Shanghaï, vitrine de la modernité «made in China». Pendant ce temps, d'autres bruits courent sur le voyage de Kim et certains assurent au contraire qu'il est en fait en Russie.


Le flou subsiste jusqu'à ce que la télévision japonaise Nippon Television le surprenne deux jours plus tard à Canton, dans une scène parue sortie d'un film de gangsters hongkongais : Kim descend d'une limousine, entouré d'une escorte de bodyguards musclés. Ce qui l'a trahi ? Son volumineux brushing repérable de loin.


Les médias coréens et japonais se lancent alors dans une traque sans merci pour pister le secret dictateur. Un escadron de Mercedes noires a ainsi parcouru le sud de la Chine aux alentours de Canton, dans des villes comme Shenzhen ou Zhuhai, avant-postes du capitalisme chinois. Kim Jong-il s'est également rendu sur le site du barrage des Trois-Gorges, construction pharaonique sur le Yang Tsé Kiang.


La folle escapade s'est achevée à Pékin où le dirigeant nord-coréen se serait entretenu avec son homologue chinois Hu Jintao. Cette rocambolesque visite d'Etat a un goût de déjà vu, puisque entre 2000 et 2004, Kim Jong-il avait déjà effectué trois voyages incognito en terre chinoise, tous rendus publics à son retour à Pyongyang.


Au-delà de l'anecdote, le dirigeant paraît jouer un jeu d'équilibriste. Alors qu'il vient successivement de claquer la porte au nez du Programme alimentaire mondial de l'ONU (PAM) et de refuser de participer aux pourparlers nucléaires à six, Kim Jong-il vient justement visiter des fermes industrielles et parler de l'éventualité d'une reprise des pourparlers à Pékin.


Le grand frère chinois reste le seul appui du dirigeant, qui s'est lui-même mis au ban de la communauté internationale. Depuis novembre, il boude la table des négociations, tant que Washington maintiendra ses sanctions, accusant Pyongyang d'avoir imprimé des faux dollars et blanchi de l'argent via une banque de Macao.


La visite de Kim en Chine rend certains esprits de nouveau optimistes. The Korea Herald rapporte que l'envoyé américain Christopher Hill a terminé sa tournée asiatique par un crochet à Pékin, où il s'était déjà rendu la semaine précédente. Le quotidien sud-coréen évoque les rumeurs selon lesquelles il se serait entretenu avec son homologue nord-coréen, Kim Kye-gwan, qui accompagnait le leader. De son côté, le quotidien Dong-a Ilbo cite une source selon laquelle Hu Jintao a assuré de la bonne volonté nord-coréenne de revenir à la table des négociations.

Il est toujours difficile de faire des pronostics avec le capricieux Kim Jong-il, mais la situation est plus que jamais délicate pour Pyongyang, de plus en plus isolé. Le PAM alimentait encore 600 000 personnes et les réformes économiques promises par le dirigeant sont au point mort. La tournée chinoise était aussi une occasion de mettre en place des partenariats dans le secteur agricole et de convaincre certains investisseurs des plus riches régions de Chine.

Publié dans Asie

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article