La Bourse de Tokyo étale un effarant manque d'expérience à la face du monde

Publié le par Takana

TOKYO (AFP) - "Pitoyable, ridicule, indigne du Japon". Les qualificatifs les plus durs fusent sur la Bourse de Tokyo au lendemain de sa gestion désastreuse du crash informatique né du scandale Livedoor.

Une nouvelle débacle qui illustre les failles d'une politique à courte vue et l'incapacité de la deuxième place financière de la planète à s'adapter aux changements du marché. En l'espace de trois mois, la Bourse de Tokyo a accumulé bourdes et problèmes techniques, étalant ses faiblesses à la face du monde, au risque de ruiner la confiance des investisseurs étrangers qui l'ont fortement soutenue ces derniers mois. Contrainte d'écourter les séances de 30 minutes pour laisser son système de gestion digérer les monceaux d'ordres des investisseurs, elle subit le retour de flamme d'un foyer qu'elle a elle-même allumé et alimenté sans prendre de précaution: l'actionnariat particulier. La nombre de "boursicoteurs" en ligne a littéralement explosé ces derniers mois au Japon, provoquant dans un premier temps une envolée de la Bourse sur fond de reprise économique. L'indice Nikkei a gagné plus de 40% en 2005. Un phénomène de masse "à la japonaise", dont toutes les maisons de courtage et les entreprises se félicitaient il y a encore quelques jours, à commencer par les portails internet (Livedoor, Rakuten, Softbank) devenus "courtiers en ligne à bas prix". Celui qui, à son corps défendant, est responsable de la bérézina actuelle, Takafumi Horié, 33 ans, juvénile patron du portail Livedoor soupçonné de délit boursier, ne se félicitait-il pas il y a un an de "contribuer à l'éducation des masses en leur faisant comprendre ce qu'était une OPA hostile" ? Il venait de lancer la première opération de ce type au Japon contre un puissant et populaire groupe de médias. Las, la plupart des nouveaux petits actionnaires improvisés, amateurs des dizaines de services boursiers ludiques sur téléphone portable mais piètres analystes, ont été saisis de panique aussitôt qu'ont été révélées les malversations financières présumées de Livedoor. De même qu'ils avaient acheté des titres liés aux valeurs des nouvelles technologies à qui mieux mieux lors d'une sorte de "bulle du marché en ligne", ils ont revendu mercredi à tout va. Bilan: une déferlante d'ordres de ventes "irrationnelle" que nul n'avait anticipé, et surtout pas la Bourse de Tokyo. Le volume quotidien moyen des transactions abouties étant d'un peu plus de 3 millions, ses gérants avaient redimensionné récemment son système informatique à 4,5 millions d'échanges, contre 3,75 millions fin 2005, croyant ainsi la place tokyoïte blindée pour faire face à une rafale d'ordres. Mais, mercredi, le système ayant atteint ses limites elle a dû se résigner à fermer plus tôt que prévu, pour la première fois de son histoire, afin d'éviter un crash technique dévastateur sous un tsunami de données. "C'est un cas sans précédent dans les annales d'une place boursière dans le monde", souligne le Nikkei, qui, à l'instar de tous les quotidiens, fustige en une la gestion "pitoyable" de la Bourse de Tokyo. Même si elle envisage de porter à 7 ou 8 millions d'ici fin 2006 sa capacité de traitement de transactions abouties par jour (soit environ 15 millions d'ordres), pour beaucoup d'observateurs, le mal est fait. Selon le vice-président de l'institut de recherches IDC, Junichi Saeki, le Japon manque d'expérience dans la gestion en temps réel des données financières et la Bourse de Tokyo manque de compétences internes. Résultat: "Les fournisseurs de solutions techniques font ce qu'ils peuvent avec les moyens qu'on leur donne", sans prise en compte du risque aléatoire, regrette M. Saeki.

Publié dans Asie

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